Zoom sur Lorenzo Pasquini, Régisseur Général des Domaines Albada Jelgersma.

Après avoir été la clé de voûte entre deux domaines situés à plus de quinze heures de vol l’un de l’autre : Cheval Blanc, Grand Cru Classé A de Saint-Emilion et Cheval des Andes, à Lujan de Cuyo, Lorenzo Pasquini a rejoint la famille Albada Jelgersma, en tant que Régisseur Général de leurs 3 domaines : les Grands Crus Classés Châteaux Giscours et du Tertre en appellation Margaux et Caiarossa sur la Côte Toscane. Nous sommes allés à sa rencontre pour en savoir plus sur ce nouveau poste.

Zoom Sur Lorenzo Pasquini, Régisseur Général des Domaines Albada Jelgersma.

Bonjour Monsieur Pasquini et merci de prendre le temps de répondre à nos questions.

Tout d’abord, nous souhaiterions savoir à quelle date vous avez rejoint  « AJ Domaines » (Les Domaines Albada Jelgersma) et pour quelle raison ?

J’ai pris ce poste à la veille des vendanges 2018. Le 22 Août 2018, plus exactement. Les raisons qui m’ont poussé à saisir cette opportunité étaient diverses et variées . Cependant, il ne m’a pas été facile du tout de quitter Mendoza et Cheval des Andes, où je vivais une expérience très complète, dans un lieu magnifique. Quand Alexander Van Beek m’a donné la possibilité de prendre ce poste j’ai senti que c’était une opportunité qui allait difficilement se reproduire. Avant tout parce que intervenir  sur 2 Grands Crus Classés à Margaux et en même temps sur la Côte Toscane, à 2 heures de ma maison d’enfance, c’est une grande chance et une situation idéale pour moi. Ensuite, ce qui m’a beaucoup motivé c’est le projet de la Famille Albada et Alexander van Beek pour les 3 domaines. En effet, suite au décès récent de leur père, les 3 frères et sœurs sont arrivés à la tête du Groupe Albada Jelgersma, avec une grande envie d’aller plus loin à tous les niveaux. Chaque propriété a déjà sa part de notoriété et le travail fait pendant ces dernières années est remarquable. Aujourd’hui il s’agit de rajouter encore une autre pierre à l’édifice ; cela m’est paru passionnant et c’était impossible pour moi de ne pas embarquer à bord de ce train.

De quelle manière votre savoir-faire acquis en Amérique Latine, à travers la direction technique de Cheval des Andes, va vous servir dans le Bordelais ?

Ce qui était génial à Cheval des Andes c’était de découvrir le terroir et le savoir-faire Argentin, tout en m’imprégnant de la vision de Cheval Blanc que j’essayais de traduire à Mendoza. Le bagage que j’emmène est donc celui du nouveau monde mais avec une formation bordelaise. Ce que j’ai principalement appris en Argentine du point de vue viticole est la gestion du déficit hydrique, que je considère fondamental surtout pour la qualité des tanins. A Mendoza, on irrigue; donc on gère la contrainte hydrique directement. A Bordeaux on subit une quantité d’eau par la pluie. Mais il existe plusieurs leviers que l’on peut activer pour gérer la disponibilité en eau de la vigne. Justement, en 2019, de notre point de vue, la gestion de l’alimentation hydrique était un des points clefs du millésime. Et personnellement il a été très intéressant de transposer ici beaucoup de choses que j’avais observées à Mendoza. Concernant Cheval Blanc, ce qui m’a le plus marqué en travaillant à leurs côtés, c’est leur vision de l’équilibre des vins et de la fraîcheur aromatique. Ce sont des notions stylistiques qui tiennent aussi beaucoup à cœur à Alexander Van Beek, et sur lesquelles nous avons beaucoup travaillé en 2019.

Lorenzo Pasquini, quels sont vos projets à moyen et long terme pour les vins de la Famille Albada Jelgersma ?

De manière globale, un des piliers de la vision de la famille qui nous anime dans notre travail quotidien à tous les niveaux, est le respect de l’environnement. Chaque domaine aussi bien à Bordeaux qu’en Italie, a sa démarche environnementale et ce depuis longtemps déjà. Au Château du Tertre et à Caiarossa, la réflexion tourne autour de la viticulture biodynamique. Au Château Giscours il a été mis en route un projet transversal sur le circuit court et sur la production locale, remettant en lumière la Ferme Suzanne et la culture du local qu’elle abrite. C’est un projet qui touche à quasiment tous les corps de métier de l’entreprise. Surtout, il nous amène à travailler sur l’authenticité du lieu. Ce qui est la chose qui nous importe le plus finalement.

Château Giscours, Régisseur Général : Lorenzo Pasquini

Quel style, quelle direction, souhaitez-vous donner aux vins de la Famille Albada ?

Avant tout il est important de préciser, surtout quand il s’agit de domaines qui ont une histoire qui nous dépasse largement, qu’il ne s’agit pas du style imparti par une personne mais plutôt par une équipe ou même par un cru. Aujourd’hui c’est la vision de la famille Albada et de Alexander van Beek que nous mettons en musique.

La première notion stylistique qui nous tient à cœur est donc la typicité. Faire des vins qui reflètent leur terroir, chacun avec sa spécificité. Tertre et Giscours sont 2 vignobles proches en distance mais 2 terroirs très distincts qui donnent des vins bien caractéristiques. Désormais chaque cru à son équipe et ses méthodes de travail bien définies. A côté de cela, Alexander nous rappelle toujours que chaque vin du groupe doit exprimer une notion de plaisir et de « buvabilité » tout en gardant complexité et potentiel de longue garde. Dans ce contexte, difficile de parler de techniques spécifiques car ces concepts s’appliquent de manière différente dans chaque terroir. Mais, globalement, sur les 3 domaines nous avons une approche de macérations douces et d’élevages (en bois ou non) qui respectent le fruit. Concernant les dates de vendange, nous essayons bien sûr d’éviter toute sur-maturation. Cependant, nous n’avons pas une seule et unique approche de la maturité. En effet, sur certaines parcelles on joue sur la fraîcheur, et sur d’autres on va chercher une maturité plus aboutie. Cela dépend de ce que l’on veut obtenir de chaque morceau du puzzle. Je dirais, qu’idéalement, chaque cru, chaque cépage et surtout chaque terroir demande une approche sur la maturation. Nous essayons de trouver à chaque fois la maturité la plus « juste » pour exprimer le meilleur de chaque identité parcellaire.

Plus spécifiquement et par domaine, à Giscours en 2019 nous avons beaucoup travaillé sur une date de vendange précoce pour les Merlots afin de garder un maximum de fraîcheur et sur des vinifications très réductives pour garder tout le potentiel aromatique des raisins. Alors qu’à Tertre nous nous penchons beaucoup sur l’équilibre du bois;  sur un vin qui est très délicat par nature. L’introduction de bois autrichien et l’utilisation de foudres font partie des pistes que nous suivons sur cet aspect.

Merci Lorenzo Pasquini ! Mais d’ailleurs, quelle est votre stratégie sur l’environnement ? L’obtention d’une certification est-elle en cours de réflexion ?

C’est un sujet vaste et complexe qui est au centre de la réflexion de l’équipe depuis longtemps déjà. A Caiarossa nous suivons les principes de la viticulture biodynamique depuis la fondation du domaine en 1998. Aujourd’hui nous avons le sentiment de devoir aller encore plus loin ; dans une réflexion qui allie la biodynamie à une approche scientifique et cartésienne. Notre but est de travailler à côté des universités et centres de recherche pour essayer de comprendre le plus profondément possible les principes de la biodynamie et les réponses de la plante à ce mode de culture. A Tertre nous sommes aussi dans ce mouvement mais nous avons décidé de le faire à notre rythme. Depuis le rachat de la famille Albada en 1997 il a été entrepris un programme de reconstruction de l’intégralité du vignoble. Au fur et à mesure des replantations chaque nouvelle parcelle est travaillée suivant les principes de la biodynamie. Aujourd’hui nous sommes à 60% de la surface et nous pensons voir la fin de ce processus en 2027/2030. Nous ne cherchons pas de certification pour l’instant et même si l’on croit beaucoup dans le concept, on préfère avancer à notre propre vitesse. A Giscours, on regarde le sujet sous un autre angle. Au niveau viticole nous suivons la viticulture dite « conventionnelle » mais sans utilisation d’aucun herbicide, aucun produit anti botrytis, aucun produit CMR, uniquement la confusion sexuelle pour la gestion des « vers de la grappe » et nous utilisons des produits de synthèse seulement en encadrement de floraison. A part la viticulture, comme je disais précédemment, derrière le vin de Giscours se cache un grand écosystème agricole qui allie à la vigne un grand parc forestier dessiné par l’architecte Eugene Buhler, des animaux, des vastes prairies et une ferme modèle construite en 1877, sur un total de plus de 300 has de terre. Devant une telle magnitude agricole nous avons décidé de révéler tout ce monde caché et en faire un des axes principaux de la vie de l’entreprise. Le projet englobe au total un troupeau de 12 vaches bordelaises et 77 brebis landaises qui broutent nos prairies, nous permettent de ne pas utiliser de tondeuse mécanique et nous fournissent de la magnifique viande KM 0. Un troupeau de poules pour les œufs, un potager pour produire des végétaux de vieilles variétés et un verger pour les fruits. Et surtout … un chef à demeure qui sublime tout cela dans ses plats !

Château Giscours, Régisseur Général : Lorenzo Pasquini

Enfin, Lorenzo Pasquini, quelle est la particularité des Châteaux Giscours et du Tertre que vous aimez le plus ?

A Giscours c’est surement ce côté agricole. C’est quelque chose de très authentique qui baigne dans l’histoire du cru et qui, je trouve, donne beaucoup de sens à ce qu’on fait. Comme le dit Alexander, ça nous ramène vers une vraie culture paysanne dans le sens le plus noble du terme. Quand on parlé pour la première fois avec Alexander de toutes les choses qu’on pouvait faire pour aller encore plus loin dans la démarche…je ne tenais pas sur ma chaise ! De Tertre j’aime l’esprit de « beauté cachée ». C’est un domaine qui se bâtit sur l’élégance et la discrétion, très à l’image de la famille Albada et surtout très en ligne avec le style du vin. « Une beauté qui se mérite », je dirais. Quand on y est on se sent bien.

C’est ainsi que ce conclut notre entretien avec Lorenzo Pasquini, nouveau Régisseur Général des propriétés Albada Jelgersma. N’hésitez pas à nous contacter à l’adresse ventes@bordeaux-tradition.com afin de connaître tous nos stocks encore disponibles des vins de la Famille Albada Jegersma.

 

Château du Tertre, Régisseur Général : Lorenzo Pasquini

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